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Psychanalyse

 

LA GRAPHOLOGIE ET LES PSYCHANALYSTES

Dans leurs écrits, de nombreux psychanalystes attestent de la validité de la graphologie, cette fois non pas sur base de statistiques, mais sur base de leur clinique: Freud, Lacan, Mélanie Klein, Tisseron,... Freud a même écrit que l’écriture est plus vraie que les rêves (correspondance avec Binswanger).
Quoi d'étonnant, puisque la psychanalyse et la graphologie klagésienne partagent bien des influences, notamment celle de Darwin (Expression of Emotion in Humans and Animals), enseigné à Freud par Brücke, son professeur de physiologie. L'un et l'autre reprennent le thème darwinien des forces antagonistes et le principe graphologique d'expression (expression du psychisme dans le corps: mimique, intonation de voix, geste,...). Le lien somatique-psychique (Leib-Seele) souligné par Klages répond d'ailleurs en écho à l'un des piliers de la théorie psychanalytique: "Le corps parle".

Sigmund Freud
Freud écrit aussi en 1913: "Par langage, on ne doit pas comprendre simplement l'expression des pensées et des mots, mais aussi le langage des gestes, et toute autre espèce d'expression de l'activité psychique, comme l'écriture".
Freud a même pratiqué la graphologie (voir revue psychanalytique Le Coq-héron, N° 123) et invité Klages, fondateur de la graphologie allemande aux travaux de la Société psychanalytique de Vienne.

Lacan montre que l'homme ne s'exprime pas seulement par la parole, mais de manière plus authentique par la communication non-verbale: geste, attitude, mimique, mouvement... La parole parle "partout où elle peut se lire" [Lacan, Ecrits, pp. 19-20, 296-297, 337, 353]: "Je parle avec mon corps, et ceci sans le savoir. Je dis donc toujours plus que je n'en sais". Cet inter-dit se "dit entre les mots, entre les lignes" [Le séminaire, XX 15.5.1973]. L'écriture, trace d'un geste signifiant, relève non seulement du symbolique, mais aussi d'un réel non symbolisé, d'un retour du refoulé qui vient surgir à la surface [Le séminaire, V 11.6.58; XVIII 12.5.1971; XIX 15.12.71]. La parole, la vérité du sujet "émerge... de temps en temps, dans les interstices du discours" [Le séminaire, XVI 11.12.1968], derrière le masque de l'énoncé: "c'est la façon qu'a l'Inconscient de procéder" [Le séminaire, XXIII, 16.3.1976]. "La vérité et la vie... [sont] des envers de discours" [Le séminaire, XVI 11.12.68]. "La parole que le sujet émet va, sans qu’il le sache, au-delà de ses limites de sujet discourant... Une parole émerge qui dépasse le sujet discourant" [Le séminaire, I 293-4].
"Au delà de ce que le langage articule et qui s'appelle discours, c'est quelque chose qui, prenant tous les actes du sujet, aurait cette sorte d'équivalence au langage qu'il y a dans ce qu'on appelle un geste, car le geste n'est pas seulement un mouvement bien défini, le geste est signifiant... C'est une parole... mais... une parole au sens entièrement cryptographique, inconnue du sujet quant au sens; encore qu'en somme il la prononce par tout son être par tout ce qu'il manifeste" [Le séminaire, V 25.06.1958]".

C'est dans l'Inconscient que le sujet parle [Le séminaire, II 15.12.1954]. L'écriture est "une trace où se lit un effet de langage. C'est ce qui se passe quand vous gribouillez quelque chose... Quand vous gribouillez et moi aussi, c'est toujours une page et c'est avec des lignes, et nous voilà plongés dans l'histoire des dimensions" [Le séminaire, XX 15.5.1973].
Nous projetons nos schémas objectifs, perceptifs, dans un espace réduit aux dimensions de la surface qu'exige l'écrit [Le séminaire, XIX 9.2.1972, XX 30.3.1973]. Les vides "sont aussi signifiants que les pleins" [Ecrits, p. 392].
Le mouvement peut être centrifuge s'il traduit le désir de l'homme [Le séminaire, V 23.4. 1958], centripète lorsque le sujet appréhende quelque chose [Le séminaire, VII 9.12.1961],...
Lacan met, comme Freud, sur le même pied lapsus linguae et lapsus calami: "Au niveau de l'inconscient... ça parle... Achoppement, défaillance, fêlure. Dans une phrase prononcée, écrite, quelque chose vient à trébucher. Freud est aimanté par ces phénomènes, et c'est là qu'il va chercher l'inconscient" [Le séminaire, XI 22.1.64]. C'est l'artefact du discours [Le séminaire, XVIII 13.1.1971], "le lapsus, c'est à dire... les choses sérieuses" [Le séminaire, XIX 9.1.1972].
Tout acte manqué est un acte réussi, et c'est dans le lapsus qu'un "bon entendeur y trouve son salut" [Ecrits, 268]. "Nos actes manqués sont des actes qui réussissent,... Ils révèlent une vérité de derrière" [Le séminaire, I 292].
Indépendamment de ces ratages révélateurs, Lacan (qui étudie aussi la calligraphie chinoise) signale la portée de la personnalisation de l'écriture par rapport au modèle calligraphique: "ce qui s'en élide [de l'écriture] dans la cursive où le singulier de la main écrase l'universel... Ce singulier peut appuyer une forme plus ferme... L'important, c'est ce qu'il y ajoute" [Le séminaire, XVIII 12.5.1971].
Le geste signifiant est aussi abordé par W. Reich: geste stéréotypé (affect gelé), etc. Adler a écrit en 1934 un article sur le gribouillis dans l’Internationale Zeitschrift für individuelle Psychologie.
Mélanie Klein observe chez le petit Fritz des rapprochement à propos de la dimension phallique du I, pronom de la première personne en anglais. Les nombreuses fautes d’orthographe de Fritz avaient pour origine des fantasmes sur les lettres, qui disparurent avec l’analyse.

Wilhelm Reich                               Alfred Adler                              Melanie Klein

Julian de Ajuriaguerra
On sait les travaux considérables faits par J. de Ajurriaguerra dans le domaine des écritures d’enfants.

Un autre psychanalyste, Serge Tisseron, professeur à l’Université de Paris-Censier, s'intéresse au gribouillis et au trait et relève dans Genesis que "L'écriture n'y est plus envisagée comme un système de signes dont le signifiant et le signifié seraient à la fois identiques à ceux du langage verbal et adaptés à un autre mode d'inscription. Le signifiant scriptural y est envisagé à part entière, indépendamment des phonèmes qu'il transcrit. Ce questionnement de l'organisation particulière de l'espace que le texte organise accepte l'éventualité que le signifiant scriptural puisse être associé à des signifiés différents de ceux que le langage parlé articule".


CONCLUSIONS


La graphologie relève en partie de ce que les anglo-saxons appellent le body language. Elle est l'étude d'un geste fossile, donc sauvé de l'éphémère, matérialisée dans un trait, sur un support-papier, cadre spatial de référence, espace de projection; elle examine les variations individuelle que le geste, le mouvement, fait subir inconsciemment à l'universel, au support-code de l'alphabet (forme), élément le plus normatif de l'écriture. La graphologie est ainsi d'une nature analogue à d’autres techniques projectives utilisées en psychologie et reposant sur d'autres codes: gribouillis, test de l'arbre, des étoiles et des vagues, du dessin de la famille,...

S’il est nécessaire d’approfondir les bases de la graphologie, je ne crois pas que ce soit uniquement par des procédés hyper-analytiques. De même que Nicolas Abraham reste étonné devant "les psychologues expérimentalistes [qui] mesurent le temps de réaction au millième de seconde près, sans la moindre idée du parti à tirer de cette accumulation de données", de même, on ne rehausse pas la fiabilité de la graphologie en la transformant en une variante du métier d'arpenteur.





LA GRAPHOLOGIE étudie la prise de possession d'un discours apparent par la parole vraie de l'Inconscient, celle du sujet, qui s'empare du trait, du geste, de la forme et de l'espace.